Il y a quelques week-ends de cela, j’ai repris ma quête à la recherche des sites sacrés dédiés à la déesse des Voconces : "Andarta" (lire les articles précédents). Avec femme et enfants, j’ai pris la direction d’Aurel, un village dont les origines ne m’étaient pas très familières. En fin de journée, je constatais une fois de plus combien cette quête pouvait m’apprendre sur les origines de notre pays. Notre beau pays du Val de Drôme et du Diois.

Un texte, dans mes livres, faisait référence à l’une des huit stèles, situées dans la vieille église Saint Pierre, à Aurel et dédiées à Andarta. Contrairement à celle d’Escoulin, dont il ne reste qu’un petit fragment en réemploi dans un mur extérieur, celle d’Aurel est, de manière surprenante, mise en valeur, à l’intérieur même de l’église ! Mais tout comme à Escoulin, il faut savoir qu’ici aussi se trouvait un temple des Gaulois Voconces dédié à leur déesse ourse Andarta.

D’après certains textes, il se pourrait bien qu’il s’agisse d’un site particulièrement important. Et d’après Mr Desaye, ancien conservateur du Musée de Die, les murs de l’église St Pierre actuelle ont été construits avec des pierres dont le travail est spécifique à l’époque gallo-romaine. L’actuel conservateur du Musée de Die, Mr Planchon, a lui aussi réalisé des fouilles dans le voisinage, qui ont permis de mettre à jour un four de la même époque. Un four qui aurait servi à un atelier de tuilier. Ainsi, il est fort probable que, jusqu’à la fin de l’époque gallo-romaine, l’activité humaine du secteur d’Aurel, se concentrait autour du quartier de St Pierre, dans la plaine. Ce n’est qu’au début des invasions barbares, lorsque le pays sera ravagé par le passage des Wisigoths, des Alamans, des Burgondes ou encore des Francs, que les populations locales se regroupèrent et construisirent une petite ville au sommet de la colline, où se trouve l’actuel village perché d’Aurel.

L’intérêt pour cette commune ne se limite pas à cela : on relève aussi les traces d’un autre sanctuaire gaulois aux sources de la Colombe, au lieu-dit de St Martin, sur le plateau de Solaure. Le premier livret intitulé « Mémoires d’Aurel » (publié avec l’aide de l’association des Amis d’Aurel et de son Vieux Village), nous dit : « On y aurait célébré le culte de l’eau ». Rien d’étonnant à cela ! Dans la spiritualité celtique (donc gauloise), il faut savoir que chaque source d’eau était vénérée. Ces sources faisaient parties des éléments essentiels à la vie, sur lesquels nos ancêtres Celtes portaient une attention toute particulière et mystique. Certaines sources bénéficiaient de valeurs curatives particulières, qu’on savait déjà très bien reconnaître à cette époque. Celles-ci étaient des lieux de dévotions, d’assemblées druidiques, et le but de pèlerinages. Tout comme la source de la Seine attirait des Gaulois de nombreuses régions de Gaule, celle de la Colombe, attirait les Gaulois du pays Voconce.

Ainsi, au départ du temple dédié à Andarta (aujourd’hui le quartier de l’église Saint Pierre), partait un chemin qui remontait le cours de la Colombe (affluent de la Drôme), jusqu’à sa source, où se trouvait un sanctuaire. Ce sanctuaire était suffisamment important pour qu’il ait été mentionné dans les textes de l’antiquité. Suffisamment influent, aussi, pour avoir été investi par les chrétiens, puisqu’un monastère y sera édifié après la christianisation du pays ! Les ruines de ce monastère étaient encore visibles vers 1900. Mais à présent, seuls quelques amoncellements de pierre, autour de la base de quelques murs, permettent de marquer l’endroit...

N’oublions pas que, jusqu’aux années 1950, la commune d’Aurel embouteillait son eau minérale naturellement pétillante, et particulièrement bénéfique, à partir de sa source « Bourdouyre » située aux Vaunières. Son nom est d’ailleurs d’origine celtique, utilisé pour désigner une source qui bouillonne. Au 19e siècle il s’agissait même d’une véritable exploitation industrielle (jusqu’à 120 000 bouteilles par an). Ses vertus avaient été étudiées et prouvées : elles sont désobstruantes, purgatives, et particulièrement salutaires pour les fièvres tierces, les maladies du foie, de la rate, et les tempéraments bilieux… Pour reprendre une vieille publicité des années 1930 : « Eau de table très gazeuse, tonique, reconstituante, et très agréable au goût ! »

Personnellement, je me rappelle très bien, adolescent, et jeune homme, avoir parcouru le plateau de Solaure à pied, de long en large. Je partais le plus souvent d’Aurel, en remontant jusqu’aux sources de la Colombe, et au lieu-dit de Saint Martin. Les cartes IGN au 25 000e n’ont jamais mentionné qu’il s’agissait là des ruines d’un ancien monastère. Mais j’ai toujours trouvé cet endroit tellement reposant, paisible, presque hors de ce monde… Il m’aura fallu tout ce temps pour en découvrir la véritable origine !



Dessin de la stèle dédiée à la déesse des Voconces : Andarta. Le texte se lit comme ceci : DEA AUGUSTA ANDARTA (à l'auguste déesse Andarta), SEXTUS PLUTATUS PATERNUS (stèle consacrée par Plutatus Paternus le sixième). Cette grande stèle est utilisée comme bénitier à l'intérieur même de l'église Saint Pierre d'Aurel. 


Vue depuis l'église Saint Pierre sur le village perché d'Aurel.

 
Photo de l'église Saint Pierre d'Aurel, une vue qui donne sur le chevet. L'église est complètement entouré par le cimetière.


Entrée principale de l'église Saint Pierre d'Aurel, surmonté de son clocheton.


Eglise Saint Pierre d'Aurel, dont l'aspect actuel remonte au 11e siècle, de style roman. C'est un bâtiment imposant, même s'il est d'une belle simplicité. Ses murs ont été construit avec un réemploi de pierres datant d'un édifice gallo-romain, probablement celui du temple dédié à Andarta.


Fenêtre romane, dont le cadre de pierre est en tuf calcaire.